Après deux mois de classe, un premier bilan peut-être dressé pour les 371 professeurs débutants de l'académie de Lyon. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas glorieux. Si tous ne sont pas forcément en difficultés, un certain nombre d'entre eux ont vécu deux mois difficiles, la tête dans le guidon pour faire face aux exigences de service démesurées qui leur sont imposées. Sans formation pratique, souvent sans tuteur ou coachés à distance - voire par mail - parfois nommés au dernier moment, la veille ou l'avant-veille de la rentrée, ou sur deux établissements, et en charge de classes à examen, beaucoup peinent à assurer leurs 18 heures de cours hebdomadaires, reconnaissent être débordés, se sentent seuls face à leurs élèves et souffrnet d'être ainsi méprisés par l'institution qu'ils ont choisi de servir. A la veille de la reprise des cours, la plupart de ces jeunes collègues affirment avoir passé ces dix derniers jours à dormir et à préparer des cours, histoire de ne pas être complètement submergés à l'heure des premières réunions parents-professeurs et à moins d'un mois des premiers conseils de classes. Mais le nouveau système voulu coûte que coûte par l'irresponsable ministre Chatel, malgré les avertissements nombreux des syndicats de profs, de chefs d'établissements et même d'inspecteurs, fait des victimes collatérales : les élèves eux mêmes, qui pâtissent à la fois de l'inexpérience de leurs maîtres et de l'abandon dans lequel ils sont laissés. Et la situation ne va pas s'améliorer, bien au contraire. En effet, fin janvier, ces jeunes profs partiront en formation pour quatre semaines et devraient alors être remplacés par des étudiants qui préparent les concours. Ubuesque !Enseignement : les professeurs débutants n'en peuvent plus
"Les étudiants qui ont réussi les concours d'enseignement sont depuis cette rentrée nommés à plein temps. Ce qui ne va pas sans difficultés dans les collèges et les lycées.
« Quand j'ai eu 120 copies à corriger d'un coup, j'ai craqué. Je suis allée voir le médecin. Quand il a vu ma tête, il m'a arrêtée trois jours. Pour la première fois de ma vie, je prends des médicaments pour dormir. Je n'y arrivais plus. La nuit, je cogitais sur ce qui allait se passer le lendemain... ».
Laurence (1) débute dans un lycée du Rhône. « J'ai quatre classes, dont deux difficiles. Ma tutrice ? Elle est dans un autre lycée. Nos emplois du temps ne sont pas compatibles. Je l'ai rencontrée deux fois et elle n'est jamais venue me voir en cours ». Depuis la rentrée, Laurence se lève à 6 h 30 et travaille jusqu'à 23 heures environ. « Je prends le samedi après-midi et le samedi soir mais du coup je suis en retard sur mon travail ! », soupire-t-elle. Comme la plupart des enseignants stagiaires, la jeune femme trouve excessive la charge de 18 heures de cours. « On n'a aucun recul. Quand on fait une erreur, on n'a pas le temps de réfléchir, et on recommence la même erreur », résume-t-elle.
Bénédicte donne aussi depuis septembre ses premiers cours de français. Pour « s'en sortir » elle travaille jusqu'à 2 heures du matin. « J'ai pu prendre mon premier week-end la semaine dernière... grâce à la grève. » L'enseignante débutante se plaint d'un manque de savoir-faire. « Ne serait-ce que pour corriger les copies. La dernière fois quand j'ai fini, je me suis rendue compte que la classe avait 6 et demi de moyenne. J'ai rajouté 4 points à tout le monde sauf à ceux qui n'avaient vraiment pas travaillé », raconte-t-elle. « Ma tutrice est venue une fois dans ma classe. Elle est prête à m'aider, à me filer des trucs mais ça ne suffit pas. On est censés tout savoir sans avoir eu le temps d'apprendre ! »
Même désarroi chez Caroline. « On a une formation disciplinaire élevée mais concrètement, on enseigne ce qu'on a appris à un niveau universitaire à des jeunes qui ne comprennent pas. Je mets 9 à 10 heures pour préparer deux heures de cours et près d'une heure par copie... », souligne-t-elle avant d'évoquer aussi un problème de discipline.
Cet aspect n'est pas spontanément mis en avant. Il existe néanmoins. « Les élèves perçoivent qu'on teste des trucs qui ne marchent pas toujours. Ils sentent qu'on patauge », relève une prof de maths tandis que Léa, professeur de langues vivantes dans un lycée pourtant bien tranquille, avoue avoir récemment « quitté un cours en pleurant ».
« Toutes les difficultés cumulées engendrent un sentiment de culpabilité. L'estime de soi en prend un coup parce qu'on a tous envie de faire un bon cours mais qu'on n'y arrive pas », résume Juliette. Pour son entrée dans le métier, celle-ci est nommée sur deux établissements dans des classes de cinq niveaux différents dont des terminales."
(1) tous les prénoms ont été changés afin que la liberté de parole des stagiaires ne soit pas sanctionnée.
« Quand j'ai eu 120 copies à corriger d'un coup, j'ai craqué. Je suis allée voir le médecin. Quand il a vu ma tête, il m'a arrêtée trois jours. Pour la première fois de ma vie, je prends des médicaments pour dormir. Je n'y arrivais plus. La nuit, je cogitais sur ce qui allait se passer le lendemain... ».
Laurence (1) débute dans un lycée du Rhône. « J'ai quatre classes, dont deux difficiles. Ma tutrice ? Elle est dans un autre lycée. Nos emplois du temps ne sont pas compatibles. Je l'ai rencontrée deux fois et elle n'est jamais venue me voir en cours ». Depuis la rentrée, Laurence se lève à 6 h 30 et travaille jusqu'à 23 heures environ. « Je prends le samedi après-midi et le samedi soir mais du coup je suis en retard sur mon travail ! », soupire-t-elle. Comme la plupart des enseignants stagiaires, la jeune femme trouve excessive la charge de 18 heures de cours. « On n'a aucun recul. Quand on fait une erreur, on n'a pas le temps de réfléchir, et on recommence la même erreur », résume-t-elle.
Bénédicte donne aussi depuis septembre ses premiers cours de français. Pour « s'en sortir » elle travaille jusqu'à 2 heures du matin. « J'ai pu prendre mon premier week-end la semaine dernière... grâce à la grève. » L'enseignante débutante se plaint d'un manque de savoir-faire. « Ne serait-ce que pour corriger les copies. La dernière fois quand j'ai fini, je me suis rendue compte que la classe avait 6 et demi de moyenne. J'ai rajouté 4 points à tout le monde sauf à ceux qui n'avaient vraiment pas travaillé », raconte-t-elle. « Ma tutrice est venue une fois dans ma classe. Elle est prête à m'aider, à me filer des trucs mais ça ne suffit pas. On est censés tout savoir sans avoir eu le temps d'apprendre ! »
Même désarroi chez Caroline. « On a une formation disciplinaire élevée mais concrètement, on enseigne ce qu'on a appris à un niveau universitaire à des jeunes qui ne comprennent pas. Je mets 9 à 10 heures pour préparer deux heures de cours et près d'une heure par copie... », souligne-t-elle avant d'évoquer aussi un problème de discipline.
Cet aspect n'est pas spontanément mis en avant. Il existe néanmoins. « Les élèves perçoivent qu'on teste des trucs qui ne marchent pas toujours. Ils sentent qu'on patauge », relève une prof de maths tandis que Léa, professeur de langues vivantes dans un lycée pourtant bien tranquille, avoue avoir récemment « quitté un cours en pleurant ».
« Toutes les difficultés cumulées engendrent un sentiment de culpabilité. L'estime de soi en prend un coup parce qu'on a tous envie de faire un bon cours mais qu'on n'y arrive pas », résume Juliette. Pour son entrée dans le métier, celle-ci est nommée sur deux établissements dans des classes de cinq niveaux différents dont des terminales."
(1) tous les prénoms ont été changés afin que la liberté de parole des stagiaires ne soit pas sanctionnée.
(source : Muriel Florin, Le Progrès, 2 novembre 2010)
Vous êtes stagiaire ou vous en cotoyez dans votre établissement ; n'hésitez pas à nous faire part de votre témoignage en commentaire. Cette situation est inadmissible. Elle doit être dénoncée.
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