Les étudiants qui ont réussi le concours d'enseignement sont depuis cette rentrée nommés à temps plein. Ce qui ne va pas sans difficultés. Même quand ça se passe bien…
« L'an dernier j'ai eu la chance de faire des remplacements dans un lycée et de faire mes erreurs à ce moment-là… Du coup, ça ne se passe pas trop mal. J'ai des 6e et des 4e, j'ai été accueilli par deux tuteurs, je travaille sur un seul établissement et il avait préparé mon arrivée… Je ne suis peut-être pas le cas le plus désespéré de l'Ain, mais ceux qui sont les plus en difficultés, et j'en connais, refusent souvent d'en parler car ils vivent ça comme un échec… »
Romain* débute sa carrière de prof de français dans un collège de l'Ain. « Comme on est contraint de faire 18 heures, direct, je n'ai pas le recul nécessaire. Le travail est énorme. C'est soir et week-end. Un gros investissement. On le savait, mais à ce point… Il faut compter une heure de préparation pour une heure de cours, plus les corrections, trois heures de concertation avec les tuteurs. Impossible d'être perfectionniste. Comme j'enseigne le français, j'ai aussi la chance de ne pas être seul sur la matière et je suis entouré par un milieu de profs. Ma copine et mes beaux-parents sont également professeurs. Ça fait un environnement qui fait que je m'en sors. J'ai aussi une approche de ce métier assez pragmatique. Je sais que j'ai affaire à un public qui serait mieux devant sa console vidéo. Après, c'est un vrai challenge, qu'on ne nous laisse malheureusement pas le temps de relever… »
Le temps. C'est aussi ce qui manque à Alice*. Professeur de langue stagiaire, la jeune femme officie depuis la rentrée dans les lycées Quinet et Lalande à Bourg, séparés de quelques centaines de mètres. Une aubaine. Alice serait une stagiaire heureuse, s'il n'y avait pas ces 17 heures de cours à assurer par semaine devant des classes de seconde, première et terminale, les journées qui s'achève à minuit et les week-ends passés à préparer les cours et corriger les copies. « Pour moi, ça se passe bien. Mais parce que j'ai une tutrice qui tient son rôle à merveille. C'est sans doute ce qui fait la différence. Mais je suis bien consciente qu'on ne peut pas en conclure que la réforme est bonne. Il nous aurait fallu moins d'heures, plus de stages en amont, nous mettre en situation progressivement et pas de cette manière brutale… Nos nuits ? Il n'y en a presque plus, et notre vie sociale est bien restreinte. On doit survoler. C'est frustrant quand on veut faire son métier correctement. Une chose aussi qu'on comprend mal : ce sont les disparités entre les académies. Un « capessien » (détenteur du Capes) de Paris est à 15 heures, quand nous, on est à 18. »
Lorianne Callon est la seule CPE (conseillère pédagogique d'éducation) stagiaire du département. Et elle assume ce titre, au lycée Quinet à Bourg. 35 heures par semaine. « Ici, c'est le bon lycée pour démarrer. J'ai une tutrice formidable et je suis bien entourée par mes trois collègues. On est formé sur le tas, mais quand on fait des erreurs on trouve toujours quelqu'un pour nous épauler. Cela dit, ça aurait été bien d'avoir des soupapes de décompression, en l'occurrence de la formation universitaire. Car on se trouve très isolé dans notre parcours d'apprentissage ».
« L'an dernier j'ai eu la chance de faire des remplacements dans un lycée et de faire mes erreurs à ce moment-là… Du coup, ça ne se passe pas trop mal. J'ai des 6e et des 4e, j'ai été accueilli par deux tuteurs, je travaille sur un seul établissement et il avait préparé mon arrivée… Je ne suis peut-être pas le cas le plus désespéré de l'Ain, mais ceux qui sont les plus en difficultés, et j'en connais, refusent souvent d'en parler car ils vivent ça comme un échec… »
Romain* débute sa carrière de prof de français dans un collège de l'Ain. « Comme on est contraint de faire 18 heures, direct, je n'ai pas le recul nécessaire. Le travail est énorme. C'est soir et week-end. Un gros investissement. On le savait, mais à ce point… Il faut compter une heure de préparation pour une heure de cours, plus les corrections, trois heures de concertation avec les tuteurs. Impossible d'être perfectionniste. Comme j'enseigne le français, j'ai aussi la chance de ne pas être seul sur la matière et je suis entouré par un milieu de profs. Ma copine et mes beaux-parents sont également professeurs. Ça fait un environnement qui fait que je m'en sors. J'ai aussi une approche de ce métier assez pragmatique. Je sais que j'ai affaire à un public qui serait mieux devant sa console vidéo. Après, c'est un vrai challenge, qu'on ne nous laisse malheureusement pas le temps de relever… »
Le temps. C'est aussi ce qui manque à Alice*. Professeur de langue stagiaire, la jeune femme officie depuis la rentrée dans les lycées Quinet et Lalande à Bourg, séparés de quelques centaines de mètres. Une aubaine. Alice serait une stagiaire heureuse, s'il n'y avait pas ces 17 heures de cours à assurer par semaine devant des classes de seconde, première et terminale, les journées qui s'achève à minuit et les week-ends passés à préparer les cours et corriger les copies. « Pour moi, ça se passe bien. Mais parce que j'ai une tutrice qui tient son rôle à merveille. C'est sans doute ce qui fait la différence. Mais je suis bien consciente qu'on ne peut pas en conclure que la réforme est bonne. Il nous aurait fallu moins d'heures, plus de stages en amont, nous mettre en situation progressivement et pas de cette manière brutale… Nos nuits ? Il n'y en a presque plus, et notre vie sociale est bien restreinte. On doit survoler. C'est frustrant quand on veut faire son métier correctement. Une chose aussi qu'on comprend mal : ce sont les disparités entre les académies. Un « capessien » (détenteur du Capes) de Paris est à 15 heures, quand nous, on est à 18. »
Lorianne Callon est la seule CPE (conseillère pédagogique d'éducation) stagiaire du département. Et elle assume ce titre, au lycée Quinet à Bourg. 35 heures par semaine. « Ici, c'est le bon lycée pour démarrer. J'ai une tutrice formidable et je suis bien entourée par mes trois collègues. On est formé sur le tas, mais quand on fait des erreurs on trouve toujours quelqu'un pour nous épauler. Cela dit, ça aurait été bien d'avoir des soupapes de décompression, en l'occurrence de la formation universitaire. Car on se trouve très isolé dans notre parcours d'apprentissage ».
Une situation dénoncée avec vigueur par le Snes
Les enseignants débutants ne sont pas forcément tous en difficultés, comme en témoignent ceux que nous avons pu interroger dans l'Ain. Mais ils sont de toute évidence beaucoup plus nombreux à l'être, compte tenu des modalités d'entrée dans le métier, cette année. Titulaires du concours, ils passent en effet directement du statut d'étudiant au statut de professeur à temps plein. Précédemment, ils avaient cours 6 heures par semaine et passaient le reste du temps en formation. La plupart des académies, dont celle de Lyon, ont adopté un système dans lequel les nouveaux sont nommés à plein-temps. Il concerne 371 enseignants débutants. Quand d'autres ont choisi une entrée plus progressive (Rennes, Bordeaux, etc.). « Les stagiaires sont débordés, constate Nicolas Jambon, responsable du Snes-FSU de l'Ain. Ils ont été proprement « lâchés » dans les classes. Et des charges supplémentaires leur sont parfois encore imposées : professeur principal, heures sup' , encadrement de classes à examen… Quatorze stagiaires sur les quarante-sept du département rencontrent ainsi une affectation compliquée : neuf sont à cheval sur deux établissements, cinq exercent loin du centre de formation de Lyon : à Oyonnax, Bellegarde, Belley ou Ferney-Voltaire, quatre se retrouvent dans des établissements classés (ZEP, REP ou RRS). Certains cumulant même plusieurs de ces handicaps. Ce sont en réalité seize (1 sur 3) stagiaires qui ont été d'emblée mis en difficulté par leur affectation ». Beaucoup s'inquiètent aussi des critères selon lesquels ils seront titularisés. De l'inspecteur, du tuteur ou du chef d'établissement, quel sera l'avis prépondérant ? En février, les débutants de l'académie de Lyon partiront quatre semaines en formation. Ils seront à leur tour remplacés par des étudiants en master 2, se préparant au concours d'enseignement. « Ils ont reçu récemment un courrier administratif leur expliquant qu'ils assureraient cette année le tutorat de ces étudiants effectuant leur stage en responsabilité ! Un défi au bon sens » pour Nicolas Jambon.
Mais la proviseure du lycée Quinet ne plaint pas les stagiaires
« Cette mise en situation et en responsabilité me paraît intéressante. Quand j'ai commencé le métier d'enseignante, on était balancé devant des classes de 40 élèves, sans tuteur… Je suis d'accord, cependant, pour dire que l'importance du tuteur est fondamentale. Quand ils s'investissent, on a de la chance que tout se passe bien. Mais c'est extrêmement chronophage. La formule idéale aurait sans doute été que les enseignants débutants assurent un maximum de 12 heures de cours par semaine.
Le plus problématique à gérer pour nous, ce sera l'absence des stagiaires, qui seront remplacés durant leurs quatre semaines de formation par des étudiants de master 2. En tant que chef d'établissement ça me pose des problèmes. Et ça va en poser aussi aux élèves et aux parents d'élèves, qui ne manqueront pas de nous dire que leurs enfants ont eu trois professeurs dans l'année ! Cette année est une année d'observation. Nous verrons… »
Le plus problématique à gérer pour nous, ce sera l'absence des stagiaires, qui seront remplacés durant leurs quatre semaines de formation par des étudiants de master 2. En tant que chef d'établissement ça me pose des problèmes. Et ça va en poser aussi aux élèves et aux parents d'élèves, qui ne manqueront pas de nous dire que leurs enfants ont eu trois professeurs dans l'année ! Cette année est une année d'observation. Nous verrons… »
(source : Le Progrès, 13 novembre 2010)
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