Une rentrée au chausse-pied
Comment faire pour supprimer des postes sans que cela se sente, et même en améliorant l’efficacité du système, la réussite des élèves et le bonheur des enseignants ? Le pouvoir sarkozyste affirme avoir trouvé la solution, et promet, après cinq ans de coupes claires, que les 16 000 suppressions de postes de la rentrée seront parfaitement indolores. Les syndicats du primaire comme du secondaire estiment au contraire qu’à force, la qualité du service public est atteinte. Le syndicat majoritaire des chefs d’établissement, le SNPDEN-Unsa, a révélé hier les résultats d’une enquête auprès de 1 500 collèges et lycées sur les conditions de la rentrée. Près de 70% des principaux et proviseurs disent avoir dû toucher à l’offre d’enseignement pour boucler leurs budgets. Retour sur ces économies, pudiquement appelées des «leviers pour optimiser le système».
Dans le secondaire, on rogne sur ce qui ne se voit pas…
Comme chaque année, la rentrée sera «techniquement réussie», prédit Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, «car l’administration sait faire». Cela signifie que tous les élèves auront bien un professeur en face d’eux. Mais cela cache un appauvrissement. Les rectorats, appelés à trouver eux-mêmes des économies, ont choisi de supprimer ce qui leur paraissait le moins utile. Et, lorsque cela ne suffisait pas, ce qui se voyait le moins…
On a ainsi réduit les dédoublements de classe - par exemple, en langues, les options facultatives ou le soutien en petit groupe - et abandonné les projets pédagogiques, souvent transdisciplinaires - par exemple, autour du développement durable. Au lycée général, on a profité de la réforme de la première qui introduit un tronc commun pour les S, ES et L, pour bourrer les classes. On a regroupé des élèves de filières différentes en histoire-géo. Or, les S vont désormais passer cette discipline au bac en première et vont devoir réviser, mais pas les autres. Les deux heures d’accompagnement éducatif - grande nouveauté de la réforme - peuvent aussi être supprimées, tout comme au lycée professionnel, le soutien, récemment introduit.
Au collège, on a aussi parfois grignoté sur les horaires obligatoires - l’éducation artistique, par exemple, dans des établissements ruraux. Enfin, toujours selon l’enquête du SNPEN-Unsa, alors que l’on veut officiellement combattre les inégalités scolaires, les collèges défavorisés sont particulièrement touchés : ils recevront toujours cette année des moyens supplémentaires mais ils sont en baisse.
… et on distribue des heures sup à foison.
Avec les suppressions de postes qui se suivent année après année, et la reprise démographique en raison du baby-boom du début des années 2000, la situation est de plus en plus tendue dans les établissements. Pour combler des heures de cours non attribuées dans certaines disciplines, on multiplie le recours aux heures supplémentaires. «Aujourd’hui, un établissement ne pourrait plus fonctionner sans ces heures sup, souligne Philippe Tournier. Dans un lycée, elles représentent 10% du total des heures d’enseignement, un peu moins au collège. Elles ont encore été augmentées de 6% cette année et elles deviennent de plus en plus difficiles à caser». Les profs sont obligés d’accepter une heure sup. Mais aujourd’hui, ils se retrouvent souvent à la rentrée avec des emplois du temps comptant deux, voire trois heures supplémentaires. Cela en intéresse certains financièrement. Les autres peuvent difficilement refuser car les élèves en pâtiraient.
Il faut ajouter que le système n’a pratiquement plus de marge de manœuvre. De plus en plus, les profs remplaçants, appelés TZR (titulaires sur zone de remplacement) dans le secondaire, sont affectés dès le début de l’année à des remplacements, voire à des postes fixes pour l’année. «Avant, les problèmes de remplacement se posaient en février, explique Catherine Petitot, secrétaire générale adjointe du SNPDEN-Unsa. Aujourd’hui, ils se posent dès la fin septembre.»
Partout, on économise sur la formation des profs (...)
L’entrée en application, l’an dernier, de la réforme de la formation des enseignants s’était faite dans la douleur. De jeunes profs avaient été parachutés dans des classes au collège ou au lycée quasiment sans expérience ou formation pratique. Dans le primaire, en raison d’un surnombre de profs, ils avaient été accompagnés par un maître expérimenté jusqu’à la Toussaint. Mais ce ne sera plus le cas. Les syndicats craignent que cette rentrée soit pire pour les débutants. «De nombreuses académies, comme Bordeaux, qui leur accordaient l’an dernier trois heures de décharge par semaine, les mettent directement à temps complet», explique Frédérique Rollet, porte-parole du Snes-FSU, principal syndicat du secondaire. Comme il n’y a pas de petites économies, les stages de formation pendant l’année seront aussi réduits .
Comment faire pour supprimer des postes sans que cela se sente, et même en améliorant l’efficacité du système, la réussite des élèves et le bonheur des enseignants ? Le pouvoir sarkozyste affirme avoir trouvé la solution, et promet, après cinq ans de coupes claires, que les 16 000 suppressions de postes de la rentrée seront parfaitement indolores. Les syndicats du primaire comme du secondaire estiment au contraire qu’à force, la qualité du service public est atteinte. Le syndicat majoritaire des chefs d’établissement, le SNPDEN-Unsa, a révélé hier les résultats d’une enquête auprès de 1 500 collèges et lycées sur les conditions de la rentrée. Près de 70% des principaux et proviseurs disent avoir dû toucher à l’offre d’enseignement pour boucler leurs budgets. Retour sur ces économies, pudiquement appelées des «leviers pour optimiser le système».
Dans le secondaire, on rogne sur ce qui ne se voit pas…
Comme chaque année, la rentrée sera «techniquement réussie», prédit Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, «car l’administration sait faire». Cela signifie que tous les élèves auront bien un professeur en face d’eux. Mais cela cache un appauvrissement. Les rectorats, appelés à trouver eux-mêmes des économies, ont choisi de supprimer ce qui leur paraissait le moins utile. Et, lorsque cela ne suffisait pas, ce qui se voyait le moins…
On a ainsi réduit les dédoublements de classe - par exemple, en langues, les options facultatives ou le soutien en petit groupe - et abandonné les projets pédagogiques, souvent transdisciplinaires - par exemple, autour du développement durable. Au lycée général, on a profité de la réforme de la première qui introduit un tronc commun pour les S, ES et L, pour bourrer les classes. On a regroupé des élèves de filières différentes en histoire-géo. Or, les S vont désormais passer cette discipline au bac en première et vont devoir réviser, mais pas les autres. Les deux heures d’accompagnement éducatif - grande nouveauté de la réforme - peuvent aussi être supprimées, tout comme au lycée professionnel, le soutien, récemment introduit.
Au collège, on a aussi parfois grignoté sur les horaires obligatoires - l’éducation artistique, par exemple, dans des établissements ruraux. Enfin, toujours selon l’enquête du SNPEN-Unsa, alors que l’on veut officiellement combattre les inégalités scolaires, les collèges défavorisés sont particulièrement touchés : ils recevront toujours cette année des moyens supplémentaires mais ils sont en baisse.
… et on distribue des heures sup à foison.
Avec les suppressions de postes qui se suivent année après année, et la reprise démographique en raison du baby-boom du début des années 2000, la situation est de plus en plus tendue dans les établissements. Pour combler des heures de cours non attribuées dans certaines disciplines, on multiplie le recours aux heures supplémentaires. «Aujourd’hui, un établissement ne pourrait plus fonctionner sans ces heures sup, souligne Philippe Tournier. Dans un lycée, elles représentent 10% du total des heures d’enseignement, un peu moins au collège. Elles ont encore été augmentées de 6% cette année et elles deviennent de plus en plus difficiles à caser». Les profs sont obligés d’accepter une heure sup. Mais aujourd’hui, ils se retrouvent souvent à la rentrée avec des emplois du temps comptant deux, voire trois heures supplémentaires. Cela en intéresse certains financièrement. Les autres peuvent difficilement refuser car les élèves en pâtiraient.
Il faut ajouter que le système n’a pratiquement plus de marge de manœuvre. De plus en plus, les profs remplaçants, appelés TZR (titulaires sur zone de remplacement) dans le secondaire, sont affectés dès le début de l’année à des remplacements, voire à des postes fixes pour l’année. «Avant, les problèmes de remplacement se posaient en février, explique Catherine Petitot, secrétaire générale adjointe du SNPDEN-Unsa. Aujourd’hui, ils se posent dès la fin septembre.»
Partout, on économise sur la formation des profs (...)
L’entrée en application, l’an dernier, de la réforme de la formation des enseignants s’était faite dans la douleur. De jeunes profs avaient été parachutés dans des classes au collège ou au lycée quasiment sans expérience ou formation pratique. Dans le primaire, en raison d’un surnombre de profs, ils avaient été accompagnés par un maître expérimenté jusqu’à la Toussaint. Mais ce ne sera plus le cas. Les syndicats craignent que cette rentrée soit pire pour les débutants. «De nombreuses académies, comme Bordeaux, qui leur accordaient l’an dernier trois heures de décharge par semaine, les mettent directement à temps complet», explique Frédérique Rollet, porte-parole du Snes-FSU, principal syndicat du secondaire. Comme il n’y a pas de petites économies, les stages de formation pendant l’année seront aussi réduits .
(source : Libération, 30 août 2011)
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