C’est bien connu : les profs ne travaillent pas beaucoup, ont des vacances interminables et ne cessent de se plaindre. Le cliché, traditionnellement véhiculé par la droite, a manifestement encore de beaux jours devant lui. Le ministre de l’Education nationale Luc Chatel en personne vient de donner de nouveaux arguments à tous ceux qui dénigrent les profs. Le 10 mars, il est interrogé sur le plateau de Canal + au sujet de son plan de bataille pour résoudre le problème endémique des remplacements de postes à l’école. Il propose notamment de recourir à de «jeunes retraités de l’Education et à des étudiants qualifiés» que l’on pourrait appeler au «pied levé». Devant les caméras de télévision, il justifie alors cette idée en évoquant «le paradoxe du système de remplacement actuel» : «dans le second degré, vous avez un professeur sur deux qui est titulaire remplaçant qui n’est pas utilisé, et de l’autre côté, vous avez des absences qui ne sont pas remplacées.»
Depuis quelques années, le taux d’occupation des professeurs remplaçants («TZR» dans le jargon, pour titulaire sur zone de remplacement) est parfois évoqué par le ministère pour justifier une réforme du système et, accessoirement, des suppressions de postes. Mais jamais un tel chiffre n’avait été donné. Plusieurs fois sollicité par Libération pour expliciter ce taux d’un remplaçant sur deux inutilisé - donc payé à ne rien faire… -, le ministère n’a pas répondu. Parce qu’aucune statistique ne vient confirmer l’assertion de Chatel ? En décembre 2005, le ministre de l’Education d’alors, Gilles de Robien, donnait un chiffre supérieur. Il estimait à 84% le taux d’utilisation des TZR.
Cette notion de taux d’occupation, qui ne figure pas parmi les statistiques publiques, mérite par ailleurs quelques précisions. Par définition, un TZR ne doit pas être utilisé à plein temps, avec la charge d’une classe toute l’année. Ou alors il ne peut plus remplacer ses collègues, ce qui est tout de même sa fonction première. De plus, entre deux remplacements, il ne reste pas à rien faire. Il est rattaché à un établissement où il intervient en renfort. «Si l’on retient le nombre de 20 000 dans le secondaire, il faudrait qu’il y ait chaque jour 20 000 profs absents, et ce en proportion dans les disciplines des remplaçants, explique Guy Barbier, secrétaire national du SE-Unsa. Ce qui supposerait de prévoir les épidémies, les maladies, etc. C’est évidemment impossible.» Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que ces TZR interviennent sur des «zones», c’est-à-dire sur des aires géographiques, ce qui complique encore les ajustements.
Ensuite, de qui parle exactement le ministre? Parmi ces remplaçants, on inclut des personnels très divers : les profs «en surnombre» - dont les disciplines ont périclité - et qui sont en attente de reconversion, ceux qui traversent des situations difficiles et à qui on cherche des points de chute, ou encore ceux qui n’ont pas un temps de service complet (18 heures de cours par semaine). «En plus, les académies ont des méthodes très différentes pour calculer le taux d’occupation des TZR, souligne Didier Parizot, du Sgen-CFDT. Certaines comptent même les petites vacances comme des périodes de non-utilisation.»
Enfin, si tant de profs remplaçants se tournent les pouces, pourquoi faire appel à des contractuels étudiants ? En fait, 3 000 postes de TZR ont disparu à la rentrée 2009, dans le cadre de la suppression de 13 500 postes. «Résultat, on a dû en affecter cette année un grand nombre sur des postes à l’année, ce qui explique les problèmes de remplacement», explique Guillaume Delmas, du Snes, le principal syndicat du secondaire.
Les syndicats estiment que le taux d’occupation des TZR dans l’enseignement secondaire se situe plutôt autour de 80 %. C’est d’ailleurs ce que le ministre affirmait dans une interview au Parisien, publiée le 9 mars. Dès le lendemain, le chiffre dégringolait à 50 %. Pour mieux frapper les esprits?
Depuis quelques années, le taux d’occupation des professeurs remplaçants («TZR» dans le jargon, pour titulaire sur zone de remplacement) est parfois évoqué par le ministère pour justifier une réforme du système et, accessoirement, des suppressions de postes. Mais jamais un tel chiffre n’avait été donné. Plusieurs fois sollicité par Libération pour expliciter ce taux d’un remplaçant sur deux inutilisé - donc payé à ne rien faire… -, le ministère n’a pas répondu. Parce qu’aucune statistique ne vient confirmer l’assertion de Chatel ? En décembre 2005, le ministre de l’Education d’alors, Gilles de Robien, donnait un chiffre supérieur. Il estimait à 84% le taux d’utilisation des TZR.
Cette notion de taux d’occupation, qui ne figure pas parmi les statistiques publiques, mérite par ailleurs quelques précisions. Par définition, un TZR ne doit pas être utilisé à plein temps, avec la charge d’une classe toute l’année. Ou alors il ne peut plus remplacer ses collègues, ce qui est tout de même sa fonction première. De plus, entre deux remplacements, il ne reste pas à rien faire. Il est rattaché à un établissement où il intervient en renfort. «Si l’on retient le nombre de 20 000 dans le secondaire, il faudrait qu’il y ait chaque jour 20 000 profs absents, et ce en proportion dans les disciplines des remplaçants, explique Guy Barbier, secrétaire national du SE-Unsa. Ce qui supposerait de prévoir les épidémies, les maladies, etc. C’est évidemment impossible.» Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que ces TZR interviennent sur des «zones», c’est-à-dire sur des aires géographiques, ce qui complique encore les ajustements.
Ensuite, de qui parle exactement le ministre? Parmi ces remplaçants, on inclut des personnels très divers : les profs «en surnombre» - dont les disciplines ont périclité - et qui sont en attente de reconversion, ceux qui traversent des situations difficiles et à qui on cherche des points de chute, ou encore ceux qui n’ont pas un temps de service complet (18 heures de cours par semaine). «En plus, les académies ont des méthodes très différentes pour calculer le taux d’occupation des TZR, souligne Didier Parizot, du Sgen-CFDT. Certaines comptent même les petites vacances comme des périodes de non-utilisation.»
Enfin, si tant de profs remplaçants se tournent les pouces, pourquoi faire appel à des contractuels étudiants ? En fait, 3 000 postes de TZR ont disparu à la rentrée 2009, dans le cadre de la suppression de 13 500 postes. «Résultat, on a dû en affecter cette année un grand nombre sur des postes à l’année, ce qui explique les problèmes de remplacement», explique Guillaume Delmas, du Snes, le principal syndicat du secondaire.
Les syndicats estiment que le taux d’occupation des TZR dans l’enseignement secondaire se situe plutôt autour de 80 %. C’est d’ailleurs ce que le ministre affirmait dans une interview au Parisien, publiée le 9 mars. Dès le lendemain, le chiffre dégringolait à 50 %. Pour mieux frapper les esprits?
(source: V. Soulé, Libération, 18 mars 2010)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire