vendredi 14 octobre 2011

Chatel veut trier les maternelles : un projet à "haut risque"

Emoi ce jeudi dans le milieu éducatif. Objet du courroux ? Un projet sorti des cartons du ministère de l'Education nationale, qui vise à mettre en place à partir de novembre une évaluation des enfants «à risque» dès cinq ans en fonction de leurs comportement et capacité d'apprentissage, selon un document qui a fuité (à lire ici en PDF). Ce projet, intitulé «Aide à l'évaluation des acquis en fin d'école maternelle», et présenté comme un «outil de repérage des élèves présentant des risques pour les apprentissages à l'usage des enseignants (en) grande section de maternelle», vise à classer les élèves dans trois catégories: «RAS» (rien à signaler), «risque» et «haut risque». Forcément, du côté des syndicats, on est un peu estomaqué par cette classification qui n'est pas sans rappeler le débat sur l'identification dès la maternelle des élèves perturbateurs. La réaction de Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp-FSU, le principal syndicat du primaire.
Etiez-vous au courant de ce projet de repérage des élèves ?
"Absolument pas, nous n'avons eu aucune information préalable, ni sur le fond ni sur le calendrier. On est vraiment tombé du placard. D'où notre surprise et notre colère aujourd'hui. Colère sur l'idée même, ou sur les modalités?

Le problème n'est pas celui de l'évaluation, les enseignants exercent déjà ce travail au quotidien dans leur classe. Le problème, c'est que ce protocole, s'il devait se confirmer en l'état, introduit une confusion des genres des plus pernicieuses. Certains items portent sur des questions d'ordre médical (vision, audition...), normalement du ressort des médecins scolaires. D'autres sont d'ordre pédagogiques, d'autres encore portent sur le comportement de l'élève.
Ce qui nous scandalise, c'est que l'on puisse faire des amalgames entre des troubles du comportement et ce que l'on pourrait appeler des différences de maturité. On risque de marquer des enfants de cinq, six ans du sceau de l'échec scolaire, là où il s'agit surtout de différences de développement, à un âge où cela change très vite. La maternelle n'est pas une école de tri, de compétition. C'est une école où l'on donne aux enfants le temps de se développer.

Un tel projet n'est-il pas aussi vécu par les enseignants comme une reprise en main ?

C'est l'autre aspect. On assiste depuis un certain temps à une vraie évaluationnite : on demande aux enseignants de cocher des cases à n'en plus finir, au détriment du temps d'apprentissage. Les enseignants n'ont pas besoin de protocoles lourds et inutiles pour savoir observer leurs élèves, repérer leurs difficultés et étayer quand cela est nécessaire".
Faut-il inscrire ce nouveau protocole dans le débat sur le dépistage des troubles du comportement en maternelle, qui avait déclenché un tollé en 2007 ?
"Soit le ministère de l'Education nationale ne se soucie pas du travail des enseignants et fonce tête baissée. Soit il s'agit d'une volonté politique d'étiqueter des enfants. Et là il s'agirait en effet d'une façon de faire revenir par la fenêtre ce débat sur les troubles du comportement — cette idée d'identifier de la graine de délinquance, dans la foulée du rapport de l’Inserm qui préconisait en 2005 un dépistage systématique et précoce des enfants perturbateurs. Si cela devait se confirmer, il faudra une démarche unitaire et citoyenne pour s'y opposer".

(Source : Libération, 14 octobre 2011)

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