jeudi 2 juillet 2009

Maître Nicolas et le Baccalauréat

Le ministère ayant décidé de réévaluer de 1,32 € à 5 € par copie l'indemnité versée aux correcteurs du bac, certains rectorats comme celui de Lyon en ont profité pour exiger des vaillants correcteurs, dorénavant grassement rémunérés, de "travailler plus", c'est à dire de corriger davantage de copies en moins de temps que ce qu'ils disposaient jusqu'alors, tout en surveillant les épreuves écrites et en faisant passer des oraux mais aussi, comme l'auteur de la fable canine qui suit, en assurant jusqu'au bout leur service en collège, surveillance du brevet comprise. Le sarkozisme serait-il le dernier avatar du stakhanovisme ?

Maître Nicolas et le Baccalauréat

Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage.
L’apologue qui suit illustre cet adage.

Dur chasseur de Princesses, Maître Nicolas
Avait un fier chenil dit Baccalauréat.
Or ses clebs trop nombreux, bruyants et dispendieux
Lui cassaient l’oreille, lui sortaient par les yeux.
Il décida un jour de s’en débarrasser.
Mais le moyen d’agir sans risquer de passer
Pour un fieffé coquin, hystérique, imprudent ?
C’est que les partisans de la canine gent
La jugeaient race ancienne et de digne lignée.
Mons Nico eut alors l’artificieuse idée
D’accabler, rudoyer tous ces preux canidés
Pour les pousser à bout et les faire enrager.
C’est ainsi qu’ils vécurent grande aberration
Et virent étendue sans commune raison
La mission à laquelle chaque fin d’année
Les voyait dévoués. Ce n’était pas assez
D’organiser, surveiller et évaluer
Les épreuves aux jeunes chiots destinées ;
Il fallait aussi, et dans la même semaine,
Encadrer plusieurs jours (sans ménager sa peine)
La basse-cour Collège, et assurer ses cours
Et surveiller Brevet et siéger tout un jour
En Commission d’appel et corriger de nuit,
Oh, à tarif spécial ! les infinies copies.
« Voyez comme ils aboient et tirent long la langue !
Voyez comme ils sont faibles, foireux et exsangues !
À quoi bon les nourrir et les entretenir ?
De quelle infection vont-ils pas nous pourrir ?
Il vaut mieux les tuer. » Ainsi le fin matois
Exultait, tout ravi de son secret exploit.
Mais les chiens, devenus enragés pour de vrai,
Déchirèrent leur chef, sonnèrent la curée.

Que l’on soit maître ou grand, ou même président,
À prendre autrui pour dupe, on se casse les dents
.


Eric Négrel

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