Nicolas Sarkozy a proposé, mardi 28 février, lors d'un meeting à Montpellier, que les professeurs qui le veulent puissent être payés plus à condition d'être présents dans leur établissement 26 heures par semaine, contre 18 heures de cours actuellement. Une philosophie et une proposition qui rappellent fortement celle qu'il avait déjà formulée en 2007.
"Nicolas Sarkozy fait les mêmes propositions qu'il y a cinq ans, sur le thème du travailler plus pour gagner plus, mais elles n'ont pas été appliquées", a d'ailleurs estimé Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire (FSU), mercredi, dans Le Parisien. Qu'en est-il des promesses du président cinq après ? Quelle différence avec 2012 ? Retour en arrière.
Ce que le candidat Sarkozy disait en 2007. "Je souhaite qu'ils [les enseignants] aient la possibilité de travailler plus pour gagner plus", écrivait le candidat Sarkozy dans son programme de 2007. "Je m'engage si je suis élu à leur [les enseignants] rendre la considération qui leur est due, à revaloriser leur carrière si dévalorisée depuis un quart de siècle […]. Je m'engage à ce que ceux qui voudront travailler davantage puissent gagner plus", déclarait-il encore dans son discours de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), le 2 février 2007.
Ce qu'il s'est passé concrètement depuis. Certains enseignants ont déjà augmenté de 25 % leur traitement depuis 2007. Ainsi, un enseignant certifié de classe normale à 18 heures par semaine dans l'enseignement public, qui effectue trois heures supplémentaires hebdomadaires, touche un supplément annuel de rémunération de 4 400 euros, défiscalisation et prime comprises.
Depuis 2007, s'est installée une gestion très individuelle des carrières. Grâce au ministre de l'éducation, Luc Chatel, et sa culture de management du privé, sans doute ; grâce à Josette Théophile la DRH qu'il a fait venir, aussi. Mais surtout grâce à quelques centaines de millions d'euros distribués au cas par cas, au coup par coup. Pas de revalorisation générale (hormis pour les jeunes enseignants), mais une politique massive de primes et d'heures supplémentaires qui individualisent largement les rémunérations. Résultat : le seul second degré va absorber 1,3 milliards d'euros d'"indemnités" en 2012. La liste et les montants de ces indemnités ont cru sous la mandature : une indemnité "Eclair" de 24 millions d'euros a été créée, une prime d'entrée dans le métier de 12 millions, une indemnité de tutorat des stagiaires, 30 millions d'euros. Pendant ce temps aussi, les primes de chefs d'établissement sont passées à 69 millions d'euros. Celle-ci incluent une partie fixe et une partie aux résultats. Comme les primes des recteurs d'ailleurs.
A cela s'ajoute la masse des heures supplémentaires. Un autre moyen d'individualiser le traitement. Il y a ceux à qui elles sont proposées et ceux à qui elles ne le sont pas. Plus de la moitié des enseignants du second degré y ont eu droit depuis 2007. Si l'on fait la division, chacun d'entre eux bénéficie de 2,19 heures par semaine. En réalité, la situation n'a rien à voir. En lycée, dans les grandes disciplines, certains enseignants en cumulent jusqu'à 5 ou 6. En collège, elles sont plus rares. En primaire, elles n'existent quasiment pas. Pour rendre ces heures plus attractives, deux dispositifs se sont additionnés. La défiscalisation, d'une part - comme pour toutes les heures sup' de tous les salariés - et une prime annuelle de 500 euros pour ceux qui acceptaient plus de 3 heures. Avec ce mode de gestion, Nicolas Sarkozy a offert à une partie des enseignants la possibilité de gagner plus. Jouant l'intérêt individuel contre le collectif, il a contribué à une fragmentation de ce qui était traditionnellement un "corps enseignant". Un premier pas vers le grand choix qui leur est offert aujourd'hui. Perdre leur statut pour gagner plus ou garder leur statut et leur salaire.
Ce que Sarkozy dit en 2012 : "Je propose que désormais, tout enseignant qui voudra travailler davantage puisse le faire avec 26 heures de présence dans l'établissement au lieu de 18 heures de cours aujourd'hui, avec en contrepartie une revalorisation de 25 % de son salaire, soit près de 500 euros par mois", a détaillé M. Sarkozy, mardi, en meeting à Montpellier, pour lutter contre "la paupérisation des enseignants de France"Avec cette proposition, le "travailler plus" deviendrait en principe possible pour tous les enseignants du second degré. Le président-candidat s'appuie sur le fait que toutes les heures supplémentaires ont trouvé preneur depuis 2007. Certes, les enseignants n'en avaient pas toujours "envie", mais les chefs d'établissement ont réussi à les caser. Est-ce que la perte du statut de 1950 leur fera davantage peur ?
Dans des établissements autonomes, où les proviseurs et principaux pourraient choisir leurs équipes, établir les besoins, des "enseignants-nouvelle-formule" assureraient leurs cours classiques et seraient présents 26 heures pour répondre aux besoins, si la proposition formulée par M. Sarkozy voyait le jour. Ces "enseignants-nouvelle-formule" se chargeraient alors du soutien, de la remédiation, de l'approfondissement, du travail en commun, des rendez-vous avec les parents et mille et une autre tâches que le chef d'établissement jugera nécessaires à la vie de son collège ou de son lycée. Avec ce dispositif, fini le cadre national de définition du service enseignant. Place à la flexibilité. Pour ceux qui le souhaitent. Car à côté de ces enseignants nouveau genre, coexisteraient des profs sous le statut de 1950. Ces derniers continueraient à exercer 15 ou 18 heures par semaine, avec leur salaire actuel. Car dans le projet de M. Sarkozy, l'enseignant choisit son statut. Le candidat Sarkozy estime faire d'une pierre deux coups puisque sa réforme augmenterait en principe "la présence d'adultes" et tout en réduisant "la paupérisation des enseignants en France". Des enseignants que l'OCDE estiment moins bien payés en France qu'ailleurs.
La grande inconnue du coût : s'agit-il d'un effort nouveau ou d'un redéploiement ? Impossible de chiffrer cette annonce car on ignore combien d'enseignants seront prêts à sauter le pas.
Impossible aussi parce qu'on ignore si les taches effectuées demain par cet allongement de service couvriront une part des heures supplémentaires effectuées aujourd'hui ou bien si ces tâches seront autres.Est-ce que le régime d'indemnités qui vient compléter les traitements enseignants va perdurer, ou est-ce qu'il va être intégré ? Toutes ces questions attendent réponse.
"Nicolas Sarkozy fait les mêmes propositions qu'il y a cinq ans, sur le thème du travailler plus pour gagner plus, mais elles n'ont pas été appliquées", a d'ailleurs estimé Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire (FSU), mercredi, dans Le Parisien. Qu'en est-il des promesses du président cinq après ? Quelle différence avec 2012 ? Retour en arrière.
Ce que le candidat Sarkozy disait en 2007. "Je souhaite qu'ils [les enseignants] aient la possibilité de travailler plus pour gagner plus", écrivait le candidat Sarkozy dans son programme de 2007. "Je m'engage si je suis élu à leur [les enseignants] rendre la considération qui leur est due, à revaloriser leur carrière si dévalorisée depuis un quart de siècle […]. Je m'engage à ce que ceux qui voudront travailler davantage puissent gagner plus", déclarait-il encore dans son discours de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), le 2 février 2007.
Ce qu'il s'est passé concrètement depuis. Certains enseignants ont déjà augmenté de 25 % leur traitement depuis 2007. Ainsi, un enseignant certifié de classe normale à 18 heures par semaine dans l'enseignement public, qui effectue trois heures supplémentaires hebdomadaires, touche un supplément annuel de rémunération de 4 400 euros, défiscalisation et prime comprises.
Depuis 2007, s'est installée une gestion très individuelle des carrières. Grâce au ministre de l'éducation, Luc Chatel, et sa culture de management du privé, sans doute ; grâce à Josette Théophile la DRH qu'il a fait venir, aussi. Mais surtout grâce à quelques centaines de millions d'euros distribués au cas par cas, au coup par coup. Pas de revalorisation générale (hormis pour les jeunes enseignants), mais une politique massive de primes et d'heures supplémentaires qui individualisent largement les rémunérations. Résultat : le seul second degré va absorber 1,3 milliards d'euros d'"indemnités" en 2012. La liste et les montants de ces indemnités ont cru sous la mandature : une indemnité "Eclair" de 24 millions d'euros a été créée, une prime d'entrée dans le métier de 12 millions, une indemnité de tutorat des stagiaires, 30 millions d'euros. Pendant ce temps aussi, les primes de chefs d'établissement sont passées à 69 millions d'euros. Celle-ci incluent une partie fixe et une partie aux résultats. Comme les primes des recteurs d'ailleurs.
A cela s'ajoute la masse des heures supplémentaires. Un autre moyen d'individualiser le traitement. Il y a ceux à qui elles sont proposées et ceux à qui elles ne le sont pas. Plus de la moitié des enseignants du second degré y ont eu droit depuis 2007. Si l'on fait la division, chacun d'entre eux bénéficie de 2,19 heures par semaine. En réalité, la situation n'a rien à voir. En lycée, dans les grandes disciplines, certains enseignants en cumulent jusqu'à 5 ou 6. En collège, elles sont plus rares. En primaire, elles n'existent quasiment pas. Pour rendre ces heures plus attractives, deux dispositifs se sont additionnés. La défiscalisation, d'une part - comme pour toutes les heures sup' de tous les salariés - et une prime annuelle de 500 euros pour ceux qui acceptaient plus de 3 heures. Avec ce mode de gestion, Nicolas Sarkozy a offert à une partie des enseignants la possibilité de gagner plus. Jouant l'intérêt individuel contre le collectif, il a contribué à une fragmentation de ce qui était traditionnellement un "corps enseignant". Un premier pas vers le grand choix qui leur est offert aujourd'hui. Perdre leur statut pour gagner plus ou garder leur statut et leur salaire.
Ce que Sarkozy dit en 2012 : "Je propose que désormais, tout enseignant qui voudra travailler davantage puisse le faire avec 26 heures de présence dans l'établissement au lieu de 18 heures de cours aujourd'hui, avec en contrepartie une revalorisation de 25 % de son salaire, soit près de 500 euros par mois", a détaillé M. Sarkozy, mardi, en meeting à Montpellier, pour lutter contre "la paupérisation des enseignants de France"Avec cette proposition, le "travailler plus" deviendrait en principe possible pour tous les enseignants du second degré. Le président-candidat s'appuie sur le fait que toutes les heures supplémentaires ont trouvé preneur depuis 2007. Certes, les enseignants n'en avaient pas toujours "envie", mais les chefs d'établissement ont réussi à les caser. Est-ce que la perte du statut de 1950 leur fera davantage peur ?
Dans des établissements autonomes, où les proviseurs et principaux pourraient choisir leurs équipes, établir les besoins, des "enseignants-nouvelle-formule" assureraient leurs cours classiques et seraient présents 26 heures pour répondre aux besoins, si la proposition formulée par M. Sarkozy voyait le jour. Ces "enseignants-nouvelle-formule" se chargeraient alors du soutien, de la remédiation, de l'approfondissement, du travail en commun, des rendez-vous avec les parents et mille et une autre tâches que le chef d'établissement jugera nécessaires à la vie de son collège ou de son lycée. Avec ce dispositif, fini le cadre national de définition du service enseignant. Place à la flexibilité. Pour ceux qui le souhaitent. Car à côté de ces enseignants nouveau genre, coexisteraient des profs sous le statut de 1950. Ces derniers continueraient à exercer 15 ou 18 heures par semaine, avec leur salaire actuel. Car dans le projet de M. Sarkozy, l'enseignant choisit son statut. Le candidat Sarkozy estime faire d'une pierre deux coups puisque sa réforme augmenterait en principe "la présence d'adultes" et tout en réduisant "la paupérisation des enseignants en France". Des enseignants que l'OCDE estiment moins bien payés en France qu'ailleurs.
La grande inconnue du coût : s'agit-il d'un effort nouveau ou d'un redéploiement ? Impossible de chiffrer cette annonce car on ignore combien d'enseignants seront prêts à sauter le pas.
Impossible aussi parce qu'on ignore si les taches effectuées demain par cet allongement de service couvriront une part des heures supplémentaires effectuées aujourd'hui ou bien si ces tâches seront autres.Est-ce que le régime d'indemnités qui vient compléter les traitements enseignants va perdurer, ou est-ce qu'il va être intégré ? Toutes ces questions attendent réponse.
(Source : Le Monde, 29 février 2012)