Après trois semaines de formation, 34 professeurs des écoles stagiaires (PES) entrent ce matin dans leur classe un peu partout dans le département, de la maternelle au cours moyen. Ils en assureront la pleine responsabilité jusqu’en juillet mais continueront à se former. Depuis deux ans, le système de recrutement et de formation des enseignants a été refondu. Fini les deux ans à l’Institut universitaire de formation des maîtres avec formations disciplinaire et pratique, et douze semaines de stages en 2e année. Les nouveaux enseignants sont dotés d’un master 2 (bac + 5 au lieu de bac +3), ont réussi le difficile concours et les voilà déjà face aux élèves. « Ils sont affectés sur des postes vacants après des départs en retraite. On a évité les classes charnières comme le CP et le CM2 autant que possible,» explique Janique Frayer, inspectrice de l’Education nationale à Bourg. « Ils arrivent plus matures qu’au temps de l’IUFM, avec un niveau de formation universitaire important et cela se ressent ». Plus que sur les connaissances, l’enjeu se situe sur la pédagogie, la capacité à assurer une prise en charge différenciée des élèves. Leur formation par alternance repose sur une organisation complexe, variable selon les départements.
Dans l’Ain, les nouvelles recrues ont vécu les trois premières semaines dans des classes tenues par des maîtres formateurs. Là, ils sont passés de l’observation à la pratique accompagnée avec leur tuteur. « Il y a un guidage assez fort au départ et peu à peu, le maître formateur passe la main. Il y a chaque fois une analyse de la séance à partir d’une grille d’observation sur les gestes professionnels, le contenu enseigné, la démarche pédagogique… » explique Nathalie Biez, maître formateur et directrice de l’école du Peloux à Bourg. Cette semaine dans leur propre classe, les PES travailleront avec un enseignant titulaire remplaçant. Puis seront seuls au tableau. Un jour par semaine jusqu’au 16 décembre, ils reviendront auprès de leur maître formateur tuteur. « Ils pourront poser des questions pratiques sur les difficultés d’un élève, le niveau de classe, la gestion du groupe. On est dans l’immédiateté, le stagiaire ne reste pas trois mois avec sa question », dit Nathalie Biez. La formation sera ensuite collective, une semaine par mois de janvier à juin. Dans les classes, les élèves verront donc régulièrement le remplaçant : 12 titulaires remplaçants sont mobilisés sur les temps de formation des 34 stagiaires.
Des leçons ont été tirées de la précédente année : en 2010, les 80 professeurs des écoles stagiaires de l’Ain étaient remplaçants, envoyés dans différentes écoles et différents niveaux et l’alternance classe/formation n’était pas aussi rythmée. Les professeurs stagiaires seront évalués sur une dizaine de compétences en fin d’année scolaire, avant d’être titulaires ou non l’an prochain. L’an dernier, 2 sur 80 n’ont pas été titularisés et ont dû prolonger leur scolarité. L’efficacité du système de formation n’est pas encore évaluée. « On manque de recul, il faut plusieurs corps qui passent » dit Nathalie Biez.
« Il y a eu des avancées par rapport à l’an dernier après de fortes revendications, mais nous sommes déçus de cette formation des professeurs des écoles stagiaires » dit Morgan Vincent, le co-secrétaire départemental du SNUipp-FSU. Gros défaut selon le syndicat : « Les stagiaires ne vont voir qu’un seul niveau de classe. C’est une formation "clé en main" parce que l’inspection académique en avait besoin.»
Confier des élèves un ou deux jours par semaine à des étudiants qui ne sont pas professeurs des écoles stagiaires, qui n’ont pas réussi le concours et n’ont pas de pratique approfondie : une expérience dans l’Ain cette année. Début octobre, après trois jours de « formation », 22 étudiants qui n’ont pas réussi le concours l’an dernier seront salariés pour enseigner deux jours par semaine et compléter le mi-temps d’un enseignant titulaire. Ils préparent, en un an, un diplôme universitaire « métiers de l’enseignement », nouveauté expérimentée seulement dans l’Académie. Et 30 étudiants en master 2 seront aussi salariés pour remplacer en classe un titulaire une journée par semaine. Ces 50 étudiants salariés ont été choisis par une commission surtout sur leurs motivations.
Témoignages :
Adeline Rampon, 22 ans, découvre ce matin sa classe de moyenne section en maternelle à Villars-les-Dombes. Olivier Gabriel, 32 ans, effectue sa rentrée d’enseignant avec les CE2/CM1 de Treffort-Cuisiat. Trois semaines à l’école du Peloux avec une classe et un maître formateur ont été fructueuses, assuraient-ils deux jours avant, avec un léger stress et de l’impatience. « Il y a des erreurs que je ne ferai plus, parce qu’on a eu un retour tout de suite sur notre façon de prendre en main la classe », dit Adeline. « Au début on pense que ça va se faire comme ça ! Sur les contenus, il n’y a pas trop de problème, mais la méthodologie est importante et là, on a beaucoup appris : comment cadrer les élèves, comment bien utiliser les ressources entre les manuels, internet et tellement de sources ! », dit Olivier. « L’erreur la plus fréquente c’est de préparer énormément de choses et de ne pas arriver à tenir le temps imparti. J’ai tendance à beaucoup parler, ce qui finit par augmenter le volume général. J’ai appris à garder des temps de silence. » Il s’est déjà retrouvé dans la peau d’un prof de maths et SVT en collège et en centre de formation dans la Loire. Dans ses bagages : une maîtrise de biologie, deux années à la fac de médecine, trois ans d’accompagnement d’enfants handicapés comme auxiliaire de vie scolaire. Il reste bien conscient des particularités du métier, que les enfants sont différents. « On n’est pas aguerris mais on sait que les groupes classes ne sont pas homogène, il faut prévoir ceux qui avancent plus vite et ceux qui avancent moins vite ».
« Tellement contente d’avoir réussi le concours », Adeline rêve d’enseigner depuis le lycée. « On a sûrement encore beaucoup de questions à poser aux maîtres formateurs. Elles viendront une fois qu’on sera en action dans la classe, dit-elle. C’est bien d’avoir de l’alternance une fois par semaine jusqu’en décembre. L’an dernier c’était sans doute un plus gros stress pour ceux qui étaient remplaçants et avaient moins d’alternance ».
(Source : F. Python, Le Progrès, 26 septembre 2011)